
L’E85 est-il vraiment la bonne solution ?
Cela fait bien longtemps que l’E85 existe. Pourtant, cela ne fait que quelques années qu’il est mis en lumière par le gouvernement. Les automobilistes qui délaissent le diesel se ruent sur le bioéthanol dans le but d’alléger leur budget carburant. On lui attribue l’image d’un carburant propre, peu coûteux et très économique. Mais qu’en est-il vraiment ? L’impact sur l’environnement et la mécanique de l’E85 est discuté et ne met pas vraiment tout le monde d’accord. Nous nous concentrerons également sur les moyens de passer votre voiture essence à l’éthanol. Peut-on avoir confiance dans le gouvernement qui continue de promouvoir l’E85 ? Quelles sont les évolutions de prix à prévoir ? Est-ce une solution viable ?
L’impact sur l’environnement de l’E85
Avant toute chose, resituons un petit peu les choses. Le bioéthanol, nommé E85 signifie que ce carburant comprend 85% d’éthanol et 15% de sans-plomb. Ça, c’est pour l’été. En hiver, pour éviter les démarrages difficiles en raison de la moins grande richesse de l’éthanol, le pourcentage d’essence est plus important (jusqu’à 35%).
En 2007, peu de personnes connaissaient l’existence de l’E85. D’ailleurs, peu de stations le proposaient. Mais déjà, certains scientifiques commencent à se poser des questions sur le réel impact environnemental de ce carburant s’il venait à être utilisé à grande échelle. Et les études ne sont pas très optimistes puisque beaucoup s’interrogent sur ce carburant défiscalisé. L’UFC Que Choisir évoque une approche incomplète du gouvernement quant aux biocarburants.
Un bilan environnemental qui interroge
L’impact du bioéthanol est plutôt bon si on se réfère au discours des producteurs. Ces derniers promettent de réduire de 50% les émissions nettes de gaz à effet de serre. En effet, le bioéthanol est une énergie renouvelable. Le discours officiel vante aussi le fait que le CO2 émis lors du roulage est capté et fixé par les plantes lors de leur croissance. D’ailleurs, la betterave à sucre concentre la moitié des végétaux utilisés ; le reste étant du maïs et du blé. Autre aspect, le bioéthanol serait produit à 100% en France, ce qui évite d’autant les importations et donc la pollution liée au transport.
Seulement, l’E85 n’est pas totalement vertueux. Comme à son habitude, le gouvernement s’est mis des œillères et se concentre exclusivement sur les émissions de CO2 pour tenir son discours. S’il est vrai que l’E85 n’est aussi négatif qu’escompté sur l’environnement, il faut prendre en compte des émissions d’acétaldéhyde et de formaldéhyde (substances cancérigènes) dans de plus grandes proportions que le sans-plomb.
Quid des biocarburants de seconde génération ?
En France, 1% des terres agricoles sont dédiées à l’élaboration de biocarburants (biodiesel et bioéthanol). La transformation s’effectue grâce à la fermentation de betterave, de blé, de maïs mais aussi de canne à sucre. Notons que le blé cultivé est dit improbable à la consommation. La demande alimentaire étant en hausse, ce sont autant de terres qui ne peuvent être exploitées.
Pour terminer sur l’impact environnemental de l’E85, sachez qu’il existe trois générations de biocarburants. La première génération, qui comprend le biodiesel et le bioéthanol, nécessite l’utilisation de végétaux et de produits agricoles. La seconde génération vise à utiliser la lignocellulose contenue dans le bois, la paille et diverses plantes. Quant à la troisième génération, elle se concentre autour des algues et bactéries.
L’impact sur la mécanique de l’E85
C’est un sujet extrêmement sensible. D’un côté, il y a les fervents défenseurs du bioéthanol qui n’ont jamais connu le moindre problème mécanique. De l’autre, ceux qui accumulent les ennuis depuis le passage à l’E85 sur leur voiture. Qui croire ? Avant toute chose, sachez que certains constructeurs (Ford, Volvo, Saab…) ont créé des voitures Flexfuel, c’est-à-dire capables d’accepter l’E85 sans la moindre modification, tout comme le sans-plomb 95 ou 98.
Le reproche le plus fréquemment adressé à l’E85, c’est le fait qu’il ronge les durites. Une étude réalisé par Adinov démontre que le bioéthanol n’a pas réellement d’impact sur le vieillissement des durites en polymère.
Ce phénomène corrosif est également redouté au niveau des pièces métalliques, comme les injecteurs. Dans les faits, c’est surtout l’eau contenue dans l’E85 qui pourrait créer ce phénomène. En Europe, la norme EN 15293 impose une teneur maximale en eau de 0,4%. En France, le seuil serait même 0,3%. Le risque de corrosion est donc absent.
Enfin, il y a la problématique des injecteurs. Pour obtenir le même rendement qu’avec l’essence, il est nécessaire d’injecter davantage de bioéthanol… Le rapport air/carburant est donc faussé au niveau des sondes lambda. Et les injecteurs peuvent avoir un début insuffisant ce qui peut engendrer un mélange trop pauvre. Cela peut donc fatiguer prématurément le moteur au niveau des chemises, pistons et segments. Cela se traduit principalement par une surconsommation importante et des pertes de puissance.
Toutefois, toutes les voitures ne sont pas égales face à l’E85. Certains moteurs sont réputés pour accepter sans difficulté ce carburant tandis que d’autres seront en difficulté. C’est pour cette raison qu’il est recommandé d’effectuer une transformation sur le calculateur afin de calibrer l’avance à l’injection et l’avance à l’allumage. Nous verrons plus loin dans l’article plus en détails les solutions qui s’offrent pour passer à l’E85.
L’E85 permet-il de faire des économies sur le carburant ?
Le prix du litre d’E85 est – à ce jour – près de deux fois inférieur à celui du sans-plomb. En fonction des régions, cet écart peut être plus ou moins important. Dès lors, les économies à la pompe sont réelles et sont souvent bien plus significatives qu’un véhicule diesel. Il faut cependant prendre en compte qu’une surconsommation de 20 à 40% de carburant est à prévoir. Cependant, le bilan reste très positif. Il est néanmoins recommandé de prendre en compte le prix du boîtier ou de la reprogrammation.
Sans-plomb 95 | E85 avec boîtier | Diesel | |
Surcoût | / | + 800 € | + 1 300 € |
1 000 kilomètres | 72,95 € | 845,24 € | 1 351,78 € |
10 000 kilomètres | 729,50 € | 1 252,40 € | 1 817,80 € |
100 000 kilomètres | 7 295,00 € | 5 324,00 € | 6 478,00 € |
Malgré le surcoût du boîtier ou de la reprogrammation, l’E85 est souvent rentable assez rapidement. La raison, c’est que l’E85 est fiscalement très intéressant. En 2019, la TIPCE n’était que de 17 centimes par litre de carburant contre 75 pour le sans-plomb.
Comment passer sa voiture à l’éthanol (E85) ?
Il existe trois solutions qui vous permettent d’utiliser le pistolet bleu des stations services. Le premier prérequis, c’est bien sûr de disposer d’une voiture essence, voire hybride essence-électrique.
- Sans modification : beaucoup utilisent l’E85 sans la moindre modification sur leur véhicule. Et ça marche dans certains cas, même si ce n’est pas recommandé ! L’astuce est d’augmenter progressivement le ratio entre sans-plomb et E85. Ainsi, si vous effectuez un plein intégral d’E85, il y a de bonnes chances que votre voiture ne démarre plus. Par contre, si vous optez pour 10 litres de bioéthanol et 50 de sans-plomb, alors cela ne devrait poser aucun problème. Petit à petit, vous pourrez augmenter le ratio. Je vous déconseille d’excéder 50% d’E85, sous peine de démarrages plus difficiles et d’une usure plus rapide des injecteurs. D’ailleurs, certains remplacent directement leurs injecteurs par d’autres ayant un plus fort débit. C’est une solution mais là encore, cela varie fortement d’un véhicule à un autre !

- Le boîtier E85 : officiellement, il s’agit de la seule transformation légale. Si vous installez un boîtier homologué, avec montage dans un garage, vous pourrez faire modifier votre carte grise afin de pouvoir utiliser légalement ce carburant grâce au certificat de conformité donné par le garage. Le changement de carte grise est gratuit dès lors que le boîtier est homologué. La case P3 de votre carte grise passera de ES à FE. Mais vous pourrez utiliser librement de l’E85, du sans-plomb 95 ou 98. Cependant, seuls les véhicules dont la puissance fiscale n’excède pas 14 CV sont admissibles. Et il faut reconnaître que les boîtiers proposés ont des réglages génériques, rarement très bon. À la clé, une surconsommation importante et une optimisation discutable. Malheureusement, il s’agit de la seule alternative possible dans le cadre de la loi. Le prix d’un boîtier est d’environ 800 €, comprenant le montage.
- La reprogrammation : lorsqu’elle est bien faite, la reprogrammation permet d’optimiser chaque réglage de l’injection et de l’allumage. Il s’agit d’une intervention réalisée par un professionnel, directement sur le calculateur. Cette solution à l’avantage d’offrir des réglages personnalisés et spécifiques pour chaque modèle de voiture. La surconsommation est donc plus faible et l’optimisation est largement supérieure à celle d’un boîtier. Cependant, la reprogrammation est malheureusement illégale. Le coût est d’environ 500 €.
Comment évolue le prix de l’E85 ?
Selon Capital, il y aurait eu une consommation en hausse de 85% de l’E85 l’an passé. Le discours du gouvernement est clair : l’E85 est le carburant “le plus vert et le moins cher”. Fatalement, les avantages fiscaux (rappelons que la TICPE n’a pas évolué entre 2018 et 2020) font que les automobilistes se ruent massivement sur ce carburant en raison du prix au litre… Une histoire qui rappelle quelque peu la diéselisation. En 2007, le bonus “écologique” a engendré des achats en masse de véhicules diesel. Le discours gouvernemental a pris un revers à 180% en une dizaine d’année puisque le carburant gras est désormais pestiféré. Qu’en sera-t-il de l’E85 ?
Toujours est-il qu’une fois encore, les automobilistes suivent les carottes du gouvernement. Le développement massif de l’E85 présente des avantages mais aussi des inconvénients. Que se passe-t-il lors d’un carburant peu taxé est utilisé massivement ? Et bien les avantages fiscaux sautent petit à petit… Pour l’heure, il est indéniable que l’E85 est un bon choix, aussi bien pour le portefeuille que pour l’économie puisque ce biocarburant est produit en France et concentre 9 000 emplois. Qu’en sera-t-il de l’évolution des prix dans quelques années ? Difficile à dire… Sans compter que les boîtiers homologués, en plus d’être peu efficaces, sont très onéreux.
Est-ce vraiment un bon plan ?
Sans nul doute, l’E85 est une solution pertinente pour tout automobiliste souhaitant alléger son poste de dépense carburant. L’impact sur la mécanique est, d’après les études, minime mais les économies sont réelles. Son impact sur l’environnement est correct. Seule ombre au tableau : pour combien de temps encore sera-t-il possible de profiter d’un prix au litre aussi avantageux ? Avez-vous fait le choix du superéthanol ?
Bonjour M. Drouart,
Merci pour votre article éclairant les biocarburants tant sur le plan mécanique qu’environnemental.
Il me semble que certaines expressions sont erronées :
> “improbable à la consommation” devrait peut-être plutôt “impropre à la consommation”
et
> “Le discours gouvernemental a pris un revers à 180%” plutôt “Le discours gouvernemental a pris un virage à 180°”
Bonne continuation,
S.