
Longtemps, les Citroën ont été associées à des voitures de personne âgée. N’y voyez pas là le signe de mauvaises voitures, simplement un déficit d’image. Car si certains modèles de la gamme puent l’ennui à des kilomètres, on ne peut pas enlever à Citroën un niveau de confort remarquable, des châssis bien nés, des moteurs efficients et un positionnement tarifaire attractif. Il y a quelques jours, un nouveau modèle a rejoint la gamme : la C5X. Cette fois encore, une berline mue officieusement en SUV. La gamme Citroën n’a jamais été aussi rationnelle et platonique.
Répondre aux attentes des clients au meilleur coût possible
Le titre de ce paragraphe est une citation de Carlos Tavares, président de PSA puis directeur de Stellantis, qui l’a prononcée. Elle illustre assez bien le placement de Citroën. En effet, la marque aux chevrons a “divorcé” de DS en 2014 afin de constituer une marque premium à part entière. Peugeot cultive toujours une certaine image de sportivité, qui se vérifie encore plus aujourd’hui avec des designs forts et puissants. Quant à Citroën, il y a toujours cette image du “cul entre deux-chaises” qui perdure. Ces dernières années, les prises de risque ont été minimes et vont vers le choix du rationnel. Les fantaisies ? On les réserve au département marketing qui se charge d’élaborer des publicités avec des fonds colorés.

Le C4 Cactus a perdu son originalité lors du restylage. Le C4 Picasso a perdu le nom du célèbre peintre pour éviter les royalties. La nouvelle C4 est devenue un semblant de SUV pour séduire l’automobiliste lambda. Les versions sportives ont été supprimées du catalogue. Les grandes berlines ont disparu… Malgré la présence de Dongfeng (qui fabrique les Citroën du marché chinois) au capital (à hauteur de 14%), Citroën a fait le choix du rationnel. Alors bien sûr, il y a toujours une identité propre mais qui semble vieillir assez mal, avec des codes constamment renouvelés. Si bien qu’entre la vieillissante C1 au style plat et la nouvelle C4, il n’y a pas un fossé, mais un canyon. En visant la rentabilité, Citroën prend aussi le risque de renouer avec son image de “voiture de vieux”.
La nouvelle Citroën C5X : une hérésie ?
En juillet dernier, la troisième génération de Citroën C4 n’a pas mis tout le monde d’accord. Largement surélevée, la nouvelle compacte ne peut cacher des airs de SUV même si la communication de la marque ne va pas en ce sens. Si le style est moderne dans son apparence, les codes stylistiques s’affirment. La silhouette demeure assez lourde et ne respire pas vraiment le dynamisme. Pierre Leclercq, qui dirige le style Citroën, préfère les formes pures et le confort. Fatalement, c’est ce que recherche un conducteur de Citroën. La C5X va encore plus loin. Officiellement, il s’agit de la remplaçante de la berline C5. Mais quand on regarde ce modèle, on ne peut s’empêcher de lâcher un soupir : c’est pas un SUV mais ça y ressemble terriblement. Le terme de “crossover” permet de nommer l’innommable.
Alors oui… Citroën est une marque qui vise l’international : il faut donc séduire la masse. La Chine va adorer… Et la France aussi. Beaucoup recherchent le style SUV plus que de réelles aptitudes en tout-terrain. La grande berline ? Elle ne touche plus grand monde et devient même confidentielle. Alors la marque aux chevrons ne prend aucun risque. Cette C5X entre officiellement en concurrence avec les Peugeot 508, Audi A4, Volkswagen Passat. Le style s’inspire du concept-car CXperience mais perd sa fluidité au profit d’une ligne de caisse surélevée. Et si Peugeot a osé la 508 PSE (dont vous retrouvez bientôt l’essai sur notre chaîne Youtube), chez Citroën, on s’abstient.

Doit-on blâmer Citroën ? Pas vraiment. Les temps sont difficiles. Toucher les passionnés de voitures, c’est viser un marché de niche. Et de toutes manières, la culture pro-allemande aurait tué dans l’œuf tout élan de sportivité chez Citroën. Une petite sportive, cela aurait peut-être marché. La C5X accueille un grand nombre de technologies qui vont dans le sens du confort de conduite. La suspension pilotée Advanced Comfort va en ce sens. Tout comme la concurrence, l’abandon du diesel se fait au profit de versions essence et hybride rechargeable.
Là encore, pas vraiment d’audace puisque les puissances iront de 130 à 225 chevaux. C’est une moyenne pour la catégorie. Citroën ne doit pas rouler sur les platebandes de DS. Pas de surplus de technologies autre que celles qui iraient dans le sens du confort…
Une gamme vieillissante ?
La gamme Citroën est assez paradoxale. Si l’identité générale se veut moderne, avec notamment un logo au style plus épuré, des couleurs dans l’air du temps, la gamme est en réalité très restreinte et plutôt vieillissante. La C1, elle est au catalogue depuis 2014 et n’a jamais réellement évolué. Pire encore, sa gamme n’a cessé de s’alléger avec désormais l’unique et petit 3-cylindres essence de 68 chevaux. La C3 a bénéficié d’un restylage timide tandis que la C4 constitue l’unique représentante des nouveaux codes stylistiques de la marque, aux côtés de la C5X. Désormais, le C4 Spacetourer n’est plus disponible qu’en version longue avec là encore quelques années de conception !
Pour le reste, il faut tabler sur les SUV C4 Aircross et C5 Aircross, le ludospace Berlingo, tout en sachant que ce type de carrosserie n’intéresse plus grand monde et le Spacetourer, un utilitaire disponible en version familiale. L’Ami, qui n’est pas considérée comme une voiture mais comme un objet de mobilité par la marque, n’entre pas réellement dans l’offre.

La marque a rarement aussi peu diversifié son offre. Fatalement, on note une plus forte proportion de modèles hybrides et électriques et une communication largement ancrée en ce sens. C’est la raison pour laquelle les Citroën peuvent apparaître comme “fades” aux yeux de certains. Pourtant, Citroën ne cache pas son ambition de toucher les jeunes et notamment avec l’Ami. Un retour de la prestigieuse C6 ? N’y pensez pas…
Ensuite, il y a aussi des décisions qui sont difficiles à comprendre. La Citroën e-Mehari a été produite en série. Basée sur le Bolloré Blesummer, cette voiture découvrable et électrique entendait toucher un public nostalgique de la Mehari originelle. C’est un flop absolu. À l’inverse, la demande était très importante pour le kit permettant de transformer un Citroën Jumper actuel en une sorte de Type H néo-rétro. Mais là, seuls 70 kits ont été édités. Pourquoi un tel décalage ? Comment justifier de tels choix marketing ?
Quel public vise vraiment Citroën ?
Le groupe Stellantis a profondément remanié la gestion des quatorze marques du groupe. L’équilibre est plutôt sain entre les constructeurs généralistes et ceux qui visent le premium, voire le luxe. Citroën, au même titre que Opel, joue la carte d’entrée de gamme du groupe. Pour autant, la marque aux chevrons conserve une certaine image pantouflarde. La gamme, sous sa forme actuelle, n’a que peu de chances d’attirer les nostalgiques des belles Citroën d’antan, qui s’orienteront probablement vers DS. À l’inverse, Citroën offre de bons rapports qualité/prix, sans fioritures. Le design voulu fun a certes pris un coup dans l’aile, mais il continue de séduire. Ni belles ni moches, les Citroën actuelles sont dans l’air du temps, bien dans notre époque.
Les passionnés d’automobiles regretteront sans doute un sérieux manque d’audace mais les chiffres de ventes montrent qu’en privilégiant le volume, Citroën s’en sort plutôt bien. Quant à renouer avec son image de “voiture de vieux”, le phénomène semble inévitable. Dévoilée dans une livrée grise particulièrement ennuyante, la Citroën C5X séduira par sa position de conduite surélevée, son bon confort et son prix. Si la C3 touche un public large, la concurrence lui a donné un sérieux coup de vieux. Espérons que la marque aux chevrons parviendra à redevenir “un peu” fun autrement qu’à travers ses publicités à fond coloré…
Pour rappel, Citroën a certes produit le déprimant C3 Picasso, elle a aussi développé par le passé des modèles purement orientées vers le plaisir, comme la Saxo VTS. Alors oui, le contexte a évolué, c’est indéniable. Mais on ne peut pas s’empêcher de regretter que les choix aillent autant dans le sens du rationnel.