
Cette voiture a servi d’inspiration au TGV !
Le TGV français a célébré ses 40 ans il y a quelques jours. En effet, c’est en 1981, que les premières rames PSE se sont aventurées en service commercial sur la ligne à grande vitesse reliant Paris à Lyon. C’est un sujet fascinant sur lequel on pourrait en parler des heures mais nous allons nous concentrer plus particulièrement sur le design de ce train iconique. Œuvre du styliste Jacques Cooper, les lignes du TGV ont été inspirées par celles d’une voiture… Également réalisée par Jacques Cooper quelques mois avant seulement !
Un train qui ne ressemble pas à un train !
Le projet C03 est né en 1966 et il prévoyait déjà ce que seraient la grande vitesse dans le domaine ferroviaire, dans les années qui suivraient. En 1972, un train expérimental voit le jour. De base, il devait y en avoir deux mais seul le premier sera finalement construit. Il prend le temps de TGV 001… Et contrairement aux idées reçues, il s’agit d’un train doté d’une turbine à gaz, inspiré par le domaine aéronautique. Ce train est parvenu à atteindre les 318 km/h, c’était alors un record pour une rame automotrice non électrique. Lors des essais, beaucoup ont été très surpris par cette apparence alors totalement méconnue jusque là dans l’univers ferroviaire, un design très profilé et surtout, un choix de couleurs pour le moins surprenant. Revenons quelques temps en arrière.

C’est Jacques Cooper qui a eu la charge de dessiner le TGV. Il avait alors un cahier des charges ouvert et s’est rapidement mis à la tâche. L’homme n’en est pas à son coup d’essai. Ce touche-à-tout a déjà dessiné des réfrigérateurs, des tracteurs agricoles, des voitures, des métros et même des avions. Autant dire que ses sources d’inspiration ne manquent pas et qu’il était l’homme de la situation. Le TGV, il devait donner une image nouvelle du train, en le déringardisant. Fond et forme devaient être clairement innovants. Nous sommes alors en 1969 et la SNCF a déjà lancé la production du prototype TGV 001 mais son design est encore à définir. Je ne rentrerais pas dans le détail technique de ce prototype, nous allons nous concentrer sur le design. À cette époque, Jacques Cooper officie chez Brissonneau et Lotz, un nom bien connu des ferrovipathes !
Un design… Inspiré d’une Porsche !

Quittons brièvement l’univers ferroviaire et partons chez Porsche. Toujours en 1969, Porsche a commercialisé la 914. Un modèle dont l’accueil fut assez mitigé, beaucoup reprochant une image low-cost… Cooper parvient à convaincre la direction de Brissonneau et Lotz d’acquérir l’un des tous premiers exemplaires de Porsche 914 “Murène”. Sitôt reçue, la 914/6 est démontée et Jacques Cooper dessine une toute nouvelle carrosserie, qui recevra le surnom de “Murène”. D’ailleurs, cet exemplaire unique existe toujours et il fut proposé à la vente en 2020, j’en parle dans cet article. Malheureusement, Brissonneau et Loz était dans une position délicate et c’est finalement auprès de Heuliez que le prototype dessiné par Cooper a pu voir le jour. Le design, encore plus aérodynamique et moderne n’a pas convaincu Porsche… Malgré un accueil enthousiaste au Mondial de l’Automobile de Paris en 1970. Vous ne voyez pas le lien avec le TGV ? J’y viens !

Lorsqu’il a dessiné le TGV 001, Jacques Cooper venait de finaliser la Porsche 914/6 Murène, dont il était fier. L’homme a toujours eu une conscience assez forte de l’importance de l’aérodynamique. Lorsque l’on regarde les motrices du TGV 001, on retrouve quelques traits et des lignes de force issues de la Porsche 914 ! C’est en intégrant ces codes sur les motrices que Cooper a réalisé cette esquisse. À l’époque, on imaginait assez mal un train avec un nez aussi plongeant. La SNCF avait bien effectué quelques tentatives aérodynamiques mais sans grand succès. En 1966, la transformation d’un élément automoteur double en “TGS” fut expérimentée, mais le programme pris fin avec l’arrivée du TGV.
Les lignes de vitrage du TGV, largement ouvertes, offrent une vue panoramique tandis que les phares sont intégrés joliment, ce qui donne l’impression d’un fuselage résolument moderne et bien dessiné ! Quant au choix de la peinture orange, le styliste voulait créer une cassure avec ce qui existait jusque là. Le orange est une peinture forte et tonique qui exprime cette modernité. D’ailleurs, cette même peinture fut appliquée initialement sur la Murène ! On retrouve également le blanc, appliquée au bas de caisse de la Porsche, sur le bas du TGV également.
Et pour le TGV de série ?
Le prototype TGV 001 a subi toute une batterie de test durant sa courte carrière, de 1972 à 1978. Durant ce temps, les infrastructures ont évolué et la décision de l’électrification est arrivée naturellement, surtout avec le krack pétrolier de 1973 : des trains à grande vitesse avec turbine à gaz n’étaient plus envisageable. La SNCF a alors lancé un nouveau concours de design en 1975 afin de dessiner le futur TGV PSE, qui constituera la première génération du matériel roulant rapide.

Deux projets ont été retenus (dont celui de Roger Tallon) mais n’ont pas eu de suite. Jacques Cooper se chargea alors de dessiner le TGV de série. Le design est plus anguleux que le TGV 001 et se rapproche encore plus de son prototype Murène ! L’homme a conservé sa livrée orange et a opté pour un bandeau anthracite qui parcourt une motrice à l’autre, de chaque côté, donnant une unité aux huit voitures.
La seconde génération de TGV, le modèle Atlantique né en 1986, n’a été qu’un passage éphémère pour Jacques Cooper. Bien qu’il ait dessiné la silhouette, c’est finalement Roger Tallon qui récupéra le marché, tant pour l’intérieur que pour la livrée, qui abandonna le orange au profit d’une livrée gris métallisé et bleu… Bien que les deux premières rames étaient blanches et bleues ! Actuellement, le propriétaire de la “Murène” n’est pas connu… Mais il détient l’unique exemplaire qui a inspiré le design des TGV ! Aucune autre voiture ne peut avoir cette prétention !